Le maître-mot de Michel Farley, président et chef de la direction de Varitron : partenariat! Il est convaincu qu’en misant sur les forces complémentaires d’autres entreprises, Varitron peut croître grandement. D’ailleurs, la devise de la compagnie est « Ensemble, nous ferons ce qu’il y a de meilleur pour vous ».
Une grande partie du développement de l’entreprise spécialisée en assemblage électronique, qui fête ses 25 ans cette année, repose sur ce principe d’alliance avec d’autres sociétés tant au Québec qu’à l’étranger. « Ça nous propulse beaucoup car, avec des partenaires, on est capables d’avoir une valeur ajoutée », affirme Michel Farley. Une valeur ajoutée, qui permet de répondre à des appels d’offres pour des projets de plus grande envergure et de pénétrer de nouveaux marchés porteurs.
Varitron compte aujourd’hui près de 400 employés et 3 bureaux à Saint-Hubert, Granby et aux États-Unis, dans le New Hampshire. Son chiffre d’affaires avoisine les 100 millions de dollars canadiens.
S’allier avec une entreprise complémentaire
L’alliance avec Mios Elettronica démontre le potentiel de cette stratégie de maillage. Les deux firmes ont créé une alliance en septembre 2016. Rencontrée dans un salon en Allemagne, la compagnie italienne, spécialisée dans les technologies pour l’industrie ferroviaire, voulait partir à l’assaut du marché américain tandis que Varitron souhaitait accroître sa force de frappe en Europe. Les deux entreprises ont vite vu les avantages d’un partenariat. Comme Varitron avait un pied au Canada et un aux États-Unis, elle pouvait introduire l’Italienne auprès de clients locaux. En échange, une fois les contrats décrochés, Varitron récupérait la partie fabrication et assemblage des composantes électroniques. À terme, la production européenne de Mios Elettronica pourrait même lui être confiée.
Lorsque Varitron veut pénétrer un nouveau marché, elle « commence toujours par trouver des alliances sur place. Ça nous permet d’avoir un échantillon du marché à desservir pour le tester. Si ça vaut la peine, on attaque le marché seul. Sinon, on continue en partenariat », explique Michel Farley.
Acheter une entreprise locale
Aux États-Unis, la firme québécoise savait qu’elle avait un marché. « On était sollicité parce que notre technologie n’était pas très présente là-bas », poursuit le président et chef de la direction. Afin d’être plus proche des clients sans avoir à gérer une installation complète, Varitron a acheté Altronics, une petite entreprise du même domaine au New Hampshire, en 2014.
Altronics offrait des services similaires et d’autres complémentaires à ceux de Varitron et surtout à des marchés distincts. La Québécoise desservait alors plutôt les industries de l’énergie, des télécommunications, de l’aérospatial, de la santé, de la défense et de l’automobile. Altronics avait, quant à elle, des clients commerciaux, militaires, industriels et médicaux. Cette transaction a permis à Varitron de produire du contenu américain pour ses clients locaux et de s’implanter aux États-Unis. Aujourd’hui, elle compte 70 employés sur place.
Pour profiter au maximum des compétences et des connaissances du marché local ainsi que du réseau d’Altronics, son fondateur, Jeff Altschuler, et son équipe sont restés dans l’entreprise. Jeff Altschuler est devenu vice-président exécutif de la division du New Hampshire de Varitron.
L’entreprise est convaincue que « la prochaine grande croissance va se faire aux États-Unis », affirme Michel Farley. Il souhaite « sécuriser le marché nord-est américain » puis appliquer à ses activités aux États-Unis le modèle des alliances avec d’autres entreprises afin de faire croître rapidement sa présence là-bas.
Internationaliser par le partenariat
Aujourd’hui, les entreprises ont différents moyens de s’internationaliser. À l’exportation et l’implantation d’une succursale à l’étranger, s’ajoutent d’autres options : les fusions-acquisitions et les alliances. « Ces deux stratégies d’internationalisation permettent, en s’appuyant sur les complémentarités de l’autre entité, d’accélérer leur internationalisation », constate Louis Hébert, professeur de stratégie au département de management et directeur des programmes MBA et EMBA à HEC Montréal.
Les alliances stratégiques, qui sont des ententes de collaboration entre des entreprises complémentaires, permettent de partager des compétences et des ressources. Par l’achat d’une autre firme, les fusions-acquisitions donnent la possibilité d’avoir un site local, la connaissance du marché ainsi qu’une clientèle existante et à proximité. « En acquérant une entreprise dans un marché étranger et en conservant l’équipe, comme l’a fait Varitron avec Altronics, ce n’est pas seulement un actif dont se dote l’acquéreur mais aussi d’un savoir-faire qu’il n’aura pas à développer en interne. Ça accélère beaucoup le développement », estime l’expert.
Or, comme les marchés et même les technologies changent rapidement, le temps d’exécution est devenu un enjeu majeur. « Pour réussir l’internationalisation, aujourd’hui, il faut penser aussi en termes de vitesse, affirme Louis Hébert. Dans le cas d’une alliance ou d’une fusion-acquisition, la vitesse d’accès à un marché est bien plus rapide que dans le modèle traditionnel d’exportation, qui exige de construire un réseau local, une clientèle, de comprendre les façons de faire des affaires sur place. »
Analyser son marché et son entreprise
Si c’est une stratégie généralement payante, il faut bien la préparer. Première question à se poser : « Quel type d’entreprise veut-on être et en quoi l’internationalisation s’intègre dans cet objectif? », explique Louis Hébert. Deuxième question : « Quelles sont les capacités et compétences dont on dispose et celles qui font défaut? »
Comme l’internationalisation demande de « grandes capacités managériales », les alliances ou les fusions-acquisitions permettent parfois d’acquérir une équipe dotée des compétences dont l’entreprise était dépourvue. « S’internationaliser exige d’avoir des gens capables de composer avec la complexité et les incertitudes inhérentes à l’approche d’un nouveau marché, un environnement différent et une autre culture d’affaires », énumère Louis Hébert.
Il est aussi indispensable, bien sûr, de bien analyser les facteurs de succès de son industrie afin de connaître les acteurs en présence et où sont les marchés.
Vérifier la compatibilité des dirigeants
L’enjeu, c’est ensuite de trouver le bon partenaire. « Il faut qu’il ait des objectifs compatibles, qu’il détienne les compétences qui manquent à l’entreprise qui veut s’internationaliser et finalement que les dirigeants soient capables de travailler ensemble. Un excellent point de départ, c’est de compter sur une définition commune ou congruente du succès », insiste le professeur. Pour qu’une alliance soit un succès, il faut que les deux chefs d’entreprise aient confiance l’un en l’autre. « S’ils ne sont pas compatibles, ça ne fonctionne pas car c’est une source de conflits et, dans ce contexte, un obstacle à l’atteinte des objectifs », poursuit-il.
Il ne faut donc pas seulement dépêcher des experts pour analyser les paramètres objectifs de son potentiel partenaire (santé financière, compétences, réputation, etc.) avant de nouer une alliance, il faut aussi que les dirigeants se rencontrent plusieurs fois pour tester leur compatibilité et nouer des liens.
Pour réaliser le bon partenariat, « il faut trouver le partenaire qui représente un bon équilibre entre les compétences apportées et la compatibilité des dirigeants », conclut Louis Hébert.
Louis Hébert est professeur titulaire de stratégie et directeur des programmes EMBA et MBA à HEC Montréal. Il s’intéresse depuis plusieurs années aux stratégies de croissance et de développement international des entreprises et, notamment, au recours aux fusions, acquisitions et alliances stratégiques. Le professeur Hébert agit à titre de conseiller auprès de plusieurs entreprises du secteur privé et public. Il siège au conseil d’administration de Métix Inc.