Pour les PME, l’approche agile peut s’avérer particulièrement utile. Celle-ci repose en effet sur des qualités de flexibilité, de réactivité et d’adaptabilité, qui aideront à saisir les occasions d’affaires sur un marché imprévisible et changeant.
Son histoire
Concept développé au début des années 1990, l’agilité s’est rapidement imposée comme une façon d’accroître la compétitivité et a été adoptée par plusieurs grandes entreprises du domaine des technologies comme Microsoft, IBM et Motorola. Ce modèle est particulièrement adapté aux organisations qui font face à des environnements complexes, incertains et turbulents, et qui doivent démontrer de fortes capacités d’innovation pour tirer leur épingle du jeu, notamment dans le domaine des TIC, des biotechnologies, de l’ingénierie, du service-conseil, etc.
Agilité 101
« Le concept d’agilité est enraciné dans le principe d’amélioration continue et de recherche de valeur ajoutée. Il s’accorde d’ailleurs parfaitement avec le lean management, dont il reprend plusieurs outils », explique Alexandre Paradis, ancien membre du conseil d’administration d’Agile Québec, organisme qui vise à promouvoir l’utilisation des méthodes agiles.
Dans les grandes lignes, le processus agile s’appuie sur une progression par étapes. Cela permet de visualiser l’avancée du projet par section, ce qui évite les erreurs coûteuses en cas de mauvais aiguillage. « Prenons l’exemple d’une entreprise qui souhaite créer un site internet afin que les joueurs de tennis puissent échanger entre eux. Une fois celle-ci développée, elle constate que le marché n’a pas d’intérêt pour ce type de produit, mais plutôt pour une plateforme permettant de gérer la réservation des terrains de tennis des municipalités. Si elle avait appliqué les principes de l’agilité, elle aurait pu tester de petites portions du projet au fur et à mesure de sa réalisation et le réorienter selon les besoins », illustre Alexandre Paradis.
Une PME ou une start-up a donc tout intérêt à se doter d’une stratégie agile, incluant des réévaluations fréquentes et une réorientation en fonction de la demande. « Il est crucial de ne pas présumer des besoins du client mais plutôt de les valider à chaque étape, grâce à de petites livraisons rapides. On peut ainsi s’adapter au fur et à mesure, tout en gardant un œil sur ce que fait la concurrence afin de ne pas se laisser distancer par elle », explique Jean-François Lafrance, CRHA, conseiller senior, planification stratégique RH à la Banque Nationale.
Comment s’y prendre
Il existe plusieurs méthodes pour guider le travail sur le mode agile. Elles dressent les cadres et les jalons qui ponctuent le processus. Elles s’accompagnent d’outils adaptés.
Le Scrum est la méthode la plus utilisée. Il fournit un cadre méthodologique de gestion de projet, en définissant les rôles de chacun, le rythme itératif et celui des réunions, etc. Puisque l’agilité repose notamment sur le principe des réévaluations fréquentes, on fait la liste des tâches qui devront être réalisées sur de courtes périodes de temps, nommées sprints (des itérations). À la fin de chaque sprint, on effectue un retour sur l’efficacité et sur la stratégie à tenir.
Le Kanban (mot japonais signifiant fiche ou étiquette) fait partie des outils agiles les plus utilisés. Sur ce tableau de bord, on colle et on déplace des post-its en fonction du degré de réalisation (à faire, en cours de réalisation, terminé) des différentes tâches à accomplir dans le cadre d’un sprint.
Une « mêlée » quotidienne, brève réunion d’une quinzaine de minutes, aide à faire le point sur l’avancée du projet et sur les priorités de la journée. « Chaque participant parle de ses défis et demande de l’aide s’il en a besoin, ce qui crée un esprit collaboratif au sein de l’équipe », souligne Jean-François Lafrance.
Réussir l’implantation
La formation et l’accompagnement des équipes constituent la meilleure garantie de réussite au moment d’introduire les méthodes agiles au sein d’une entreprise. « Le concept d’agilité organisationnelle repose sur quatre principes clés, qui bouleversent nos façons de gérer : des équipes autonomes ; des principes de gestion plutôt que des règles ; des individus qui collaborent et n’ont pas peur de se tromper, supportés par une culture d’ouverture et de confiance ; des leaders capables d’introspection », explique Philippe Mast, cofondateur de CORTO.REV, un cabinet de conseil et de recrutement de cadres, spécialisé dans le développement organisationnel et l’innovation.
Le changement doit se faire progressivement. « Avant tout, il faut mettre en place des outils de réflexion sur la culture du travail des équipes (autonomie, travail en équipe) et le style de leadership (délégation, etc.) exercé dans l’entreprise pour bien préparer le passage à l’agilité organisationnelle », poursuit Philippe Mast.
Pour générer une réelle valeur ajoutée, l’agilité doit aussi être appliquée en profondeur et non pas en surface. « Implanter des outils de façon superficielle, par exemple en utilisant un tableau Kanban sans modifier ses processus, ne fonctionnera pas. Tout comme faire des points de communication réguliers mais qui ne débouchent sur aucune action », mentionne Alexandre Paradis.
Intégrer trop de tâches à la fois dans un sprint est également une erreur fréquente. « Plus la livraison est rapide et efficace, et plus il y a création de valeur ajoutée. Inversement, la perte de temps coûte cher, c’est le principe de flux unitaire », souligne M. Paradis.
Employés : joueurs importants
L’agilité organisationnelle représente une révolution dans les modes de travail. En mode agile, les équipes travaillent en autonomie et en collaboration, elles sont plus responsabilisées et beaucoup plus souvent en contact avec le client, qui leur fait des commentaires et peut faire évoluer le projet régulièrement.
Les défis pour les employés : « Il faut faire preuve d’humilité, être capable d’entendre les commentaires du client et du reste de l’équipe ; être polyvalent, flexible, pouvoir s’adapter en permanence, travailler à plusieurs, etc. Les gens qui aiment la stabilité, être encadrés et très structurés risquent d’avoir de la difficulté à s’adapter aux méthodes agiles », met en garde Philippe Mast.
Quant aux leaders, ils doivent s’adapter à un nouveau modèle d’affaires. « Leur rôle change : ils ne sont plus là pour diriger mais ils deviennent des contributeurs, des facilitateurs. C’est comme des entrepreneurs à la tête de start-up qui doivent mettre en place des stratégies pour la faire croître, récolter les données pour améliorer les performances de l’équipe et qui fait le lien avec le reste de l’entreprise », poursuit l’expert.
Pour que l’implantation des méthodes agiles fonctionnent, conseille-t-il, « il faut commencer par s’assurer que tous les membres de l’équipe et leurs leaders comprennent pourquoi elles sont mises en place. Pour accroître la productivité, pour être plus innovant, pour mieux satisfaire le client ? ». Ensuite, il est sage d’y aller par étape. L’agilité ne convient pas à tous les profils. « On commence souvent par réunir dans une équipe toutes les personnes volontaires et qui ont les qualités requises. Une fois le succès démontré, les autres employés s’intéressent à la méthode et veulent se joindre au mouvement », explique Philippe Mast.
Enfin, rappelez-vous que le principe du one size fits all ne s’applique pas en matière d’agilité. Il n’y a pas de recette universelle. Elle doit être adaptée à l’entreprise, au type de projet, au nombre d’employés, etc. Utiliser une méthode sans discernement, simplement parce qu’elle a fonctionné ailleurs, est une erreur qui peut coûter cher!