La preuve : 70 % des petites entreprises dont les propriétaires reçoivent du mentorat traversent le cap des cinq ans, soit le double des entrepreneurs non accompagnés, relève Sage Mentorat d’affaires, organisme porteur du Réseau M.
Les trois fondateurs de l’agence de développement de produits numériques Samsao, créée en 2013, sont convaincus que leur mentor a contribué à leur succès en les aidant à développer leurs compétences de gestion. Jean-François Cartier, Gabriel Cartier et Vincent Legault, ingénieurs en informatique, se sont lancés dans Samsao peu de temps après être sortis de Polytechnique. Ils n’avaient aucune expérience en affaires. Leur mentor, Mike Cegelski, un entrepreneur et un ange investisseur, les guide depuis leurs tout débuts. Aujourd’hui, Samsao est en croissance et emploie 23 personnes.
« Au début, je les ai éclairés sur les réalités de la vie dans les startups, car ce n’est pas toujours facile et il y a beaucoup d’embûches. Je les ai aussi munis de stratégies d’affaires pour le démarrage. Nous avons choisi ensemble leur créneau dans les applications mobiles », explique Mike Cegelski.
Entre les jeunes entrepreneurs et leur mentor, « la chimie est très bonne. Quand on décide d’un plan, ils s’y tiennent et je les vois progresser », se réjouit Mike Cegelski, qui répond toujours présent. « Depuis le début, dès qu’on a une question, quelle qu’elle soit, on va la lui poser », explique Jean-François Cartier, 34 ans.
Les questions peuvent toucher tous les domaines : financement, opération, marketing, ressources humaines, enjeux légaux, évolution du modèle d’affaires, etc. « Il nous répond en fonction de son expérience et quand il n’a pas la réponse, il nous recommande à des contacts spécialisés dans le domaine », poursuit Jean-François Cartier.
Les interrogations des fondateurs de Samsao dépassent souvent le cadre des simples enjeux d’affaires. « Tout ce qui nous tient éveillés la nuit, on peut en parler à notre mentor. On n’a pas peur de dire des choses personnelles ou émotives », reconnaît Jean-François Cartier. « Je sais ce que c’est, confie Mike Cegelski. Alors, je peux les aider émotivement. Ils ne sont pas toujours d’accord entre eux et c’est tout à fait normal. J’essaie de les aider à identifier le rôle de chacun par exemple. »
Convaincu qu’il faut être très persévérant quand on crée une entreprise, il est devenu un grand soutien psychologique en plus d’un conseiller sur le plan des affaires. « Il nous aide à ne pas lâcher dans les moments de découragement », poursuit Jean-François Cartier.
Un regard franc
Pour autant, le mentor ne donne pas forcément la solution et il est sans concession. « Il nous challenge pas mal et en nous laissant parler, il fait émerger nos solutions par nous-mêmes. Parfois, il nous dit quand même : "Selon mon expérience, je ne ferais pas ça" », souligne Gabriel Cartier, 30 ans. « Je peux donner des tapes dans le dos de temps en temps quand c’est nécessaire. Mais je suis surtout là pour les brasser un peu », lance dans un rire Mike Cegelski.
Les trois jeunes entrepreneurs sont clairs : « S’il n’avait pas été à nos côtés, nous ne serions pas là aujourd’hui! », souligne Jean-François Cartier. Non seulement, « c’est un modèle inspirant », selon Gabriel Cartier, mais en plus il leur a ouvert son réseau et de nombreuses portes, ce qui leur a apporté plusieurs clients. Mais surtout, « il nous a évité de commettre de nombreuses erreurs qui auraient ralenti, voire coulé l’entreprise », ajoute-t-il.
Convaincus qu’un entrepreneur doit s’entourer pour avancer dans la bonne direction, les fondateurs de Samsao envisagent de mettre en place un comité aviseur constitué de mentors spécialisés dans différentes expertises (marketing, développement des affaires, etc.).
« Des accélérateurs »
Une bonne idée, selon Pénélope Codello, coach professionnelle agréée et professeure en management à HEC Montréal. « C’est une structure plus légère que le conseil d’administration mais, en réunissant des experts, ça donne aux entrepreneurs de bons conseils et de la crédibilité sur le marché. Les membres du comité sont aussi de bons ambassadeurs pour l’entreprise », explique-t-elle.
Quelle que soit la forme, le coaching de gestion et le mentorat sont, pour Pénélope Codello, « les clés de la réussite ». Pourquoi ? « Pour se connaître. Car on dirige comme on est. Pour développer son leadership et ses habiletés de gestion, se connaître est un passage obligé. Un entrepreneur doit prendre conscience de ses conflits intérieurs pour agir correctement et savoir gérer ses émotions. Ça l’aide à savoir, par exemple, pourquoi il a du mal à déléguer, à être créatif, etc. Le coaching ou le mentorat introduisent aussi une démarche de réflexivité permanente qui permet de ne pas se lancer tête baissée », explique Pénélope Codello. Mentors et coachs sont des « accélérateurs », selon elle.
Le coach se penche généralement sur une problématique à raison de rencontres régulières et payantes sur un nombre de semaines déterminé et ne donne pas de conseils. Il fait plutôt émerger la solution en guidant la discussion et en posant les bonnes questions. Le mentor joue le même rôle, mais il peut aussi donner des conseils. Il offre généralement son soutien gratuitement (sauf si l’entrepreneur passe par des intermédiaires spécialisés comme le Réseau M par exemple), sans autre objectif que de partager son expérience et d’ouvrir son réseau. Le mentorat dure souvent plusieurs années. Des experts peuvent aussi jouer le rôle de coach ou de mentors ponctuellement sur des enjeux précis et pointus.
« Humilité et courage »
Pénélope Codello recommande de se faire accompagner par un coach ou un mentor pour développer ses compétences de gestion « dès le démarrage et aux différentes phases de développement de l’entreprise ».
Mais pour qu’un coaching de gestion ou un mentorat porte ses fruits, il faut que l’entrepreneur soit réceptif. Jean-François Cartier affirme qu’il n’a aucune difficulté à parler de tout avec son mentor. C’est une condition sine qua non pour que l’accompagnement soit efficace. « Les ingrédients pour que cela fonctionne : il faut sentir dès le premier rendez-vous qu’on va pouvoir faire confiance et s’ouvrir à son coach ou son mentor. Donc il ne faut pas hésiter à mettre fin à la relation si le courant n’est pas passé », précise Pénélope Codello.
Ensuite, il faut que l’entrepreneur fasse preuve « d’humilité et de courage » pour entrer dans cette démarche qui entraîne des interrogations et des remises en cause. « Il faut accepter de ne pas être le meilleur dans tout, qu’on a besoin d’aide », souligne Jean-François Cartier.
Il n’empêche : l’entrepreneur ne doit jamais se départir de son sens critique et ne pas prendre tous les conseils pour argent comptant. La discussion contribue à faire réfléchir mais il reste le seul maître à bord. C’est à lui, au final, de prendre ses propres décisions et… de les assumer.
Détentrice d’un doctorat en sciences de gestion, Pénélope Codello est une coach certifiée formée à la gestalt thérapie et à la psychologie positive. Elle est également professeure au département de management à HEC Montréal depuis juin 2015, où elle donne des cours sur la gestion de la vie professionnelle, les habiletés de direction, les habiletés de direction des personnes ainsi qu’un module au MBA sur « développer son leadership ».