Un vide à combler
Céder son entreprise libère un temps considérable dans l’horaire et peut modifier le statut social ou, même, la dynamique familiale. Après des années consacrées majoritairement au travail, c’est le moment de communiquer ses intentions personnelles et de confirmer les aspirations des autres parties pour un déroulement harmonieux. Dans bien des cas, le transfert définitif des responsabilités survient plus rapidement que prévu.
« La coupure entre cédant et repreneur devance l’échéancier dans près de 50 % des transferts. Ce changement peut être déstabilisant, d’où l’importance d’une préparation personnelle adéquate. » - François Archambault, directeur principal, Gestion privée 1859
D’ailleurs, les propriétaires d’entreprise qui réfléchissent tôt à leur avenir post-transfert jouissent d’une position avantageuse. Si une occasion de céder l’entreprise dans des conditions favorables se présente de manière inattendue, il est plus réaliste de la saisir en ayant un plan pour la suite.
Planifier pour mieux s’adapter
« Un transfert d’entreprise typique nécessite de trois à cinq années de préparation, suivies de six à neuf mois de négociations et d’une période de transition d’une ou deux années, estime Pierre Bertrand. C’est donc un processus assez long et complexe. » Voici deux exemples concrets qui illustrent ce qui peut survenir durant cette période.
Qu’ont en commun ces histoires ? Dans les deux cas, les propriétaires qui ont cédé leur entreprise ont amorcé leur processus de relève tôt et se sont dotés des bons outils pour gérer les aléas d’une transaction, voire de la vie.
Changement de relève
Suzanne* a préparé la relève familiale de sa PME manufacturière pendant une dizaine d’années. Grâce aux bons conseils de ressources externes, deux des enfants parmi les trois qu’elle a ont décidé de devenir actionnaires. Le troisième a préféré ne pas s’impliquer du tout. Quant à la gestion quotidienne de l’entreprise, c’est sa fille et son gendre qui ont repris respectivement la responsabilité de ses finances et sa direction générale.
Une fois le transfert effectué, Suzanne a pu se consacrer pleinement à sa passion pour le ski. Elle est aussi devenue mentore auprès d’autres entreprises manufacturières, les guidant notamment dans la création de leur département d’ingénierie.

Un nouveau défi
Samir* a dirigé avec brio un groupe d’entreprises issues d’industries complémentaires. Pendant neuf ans, l’homme a défini, préparé et délégué certaines responsabilités clés pour se concentrer pleinement sur l’innovation et le développement stratégique de l’organisation. Il a communiqué sa vision claire d’une entreprise pérenne, enracinée au Québec et tournée vers une croissance ambitieuse.
À son départ, la relève était déjà formée pour prendre le relais. Samir siège aujourd’hui au conseil d’administration du collectif d’entreprises et préside un regroupement influent dans le milieu des affaires.
* Prénoms fictifs
« Parfois, tout se déroule comme prévu. Dans d’autres cas, il y a de bonnes et moins bonnes surprises. Faites du temps votre allié en entamant votre réflexion dès que possible; vous serez en meilleure position pour réagir aux imprévus. » - Pierre Bertrand, directeur principal, Transfert d’entreprises, Banque Nationale
5 conseils pour planifier « l’après-entreprise »
1. Prendre du temps de réflexion pour visualiser son plan
Le travail de préparation qui doit être fait pendant les trois à cinq années précédant un transfert d’entreprise s’ajoute aux responsabilités habituelles. Avant même d’amorcer un transfert, il faut s’accorder du temps de réflexion sur son propre rôle. « Quels sont ses besoins et ses objectifs financiers personnels ? Est-on à l’aise de financer une partie de la transaction ? Souhaite-t-on demeurer actif dans l’entreprise ? » illustre François Archambault.
Au-delà de son rôle dans l’entreprise, il faut aussi se garder du temps pour penser à son propre avenir, et en profiter pour explorer ses passions et cerner ses champs d’intérêt : voyages, loisirs, coaching ou mentorat, philanthropie ou encore vocation d’ange investisseur, entre autres exemples.
2. Savoir en profiter
Ce moment d’introspection ne devrait pas être perçu comme une corvée dans le processus déjà complexe d’un transfert d’entreprise, mais plutôt comme une récompense bien méritée après des années d’efforts. « À quoi souhaite-t-on que la vie après l’entreprise ressemble ? Qu’est-ce qui compte le plus pour soi ? C’est extraordinaire de se retrouver avec autant de liberté », fait valoir François Archambault.
3. S’inspirer de l’expérience des autres
Faire appel à son réseau professionnel et à des équipes expertes offre l’occasion d’être mis en relation avec d’autres cédants, de discuter avec eux et de s’inspirer de leurs expériences. Qu’est-ce qui occupe désormais leur temps ? Comment se sentent-ils par rapport à leur ancienne entreprise ? Ont-ils été capables de s’en détacher ?
4. Communiquer avec transparence
Faire part de ses réflexions à ses proches et obtenir leur rétroaction clarifie ce à quoi pourrait ressembler la vie après la transaction. « Par exemple, la conjointe d’un entrepreneur était catégorique qu’elle ne voulait pas qu’il demeure toute la journée à la maison; elle le connaissait bien et savait qu’il aurait besoin de projets pour demeurer stimulé ! » raconte Pierre Bertrand.
Cela est encore plus important en situation de relève familiale, pour que les relations en dehors du bureau demeurent harmonieuses. « Un conseil de famille constitue un forum idéal pour permettre à chaque membre de la famille de s’exprimer par rapport à ses intérêts ou ses aspirations, ajoute François Archambault. Une personne pourrait démontrer de l’intérêt pour la gestion des opérations, une autre pour la gestion de la philanthropie... »
Cette démarche est souvent mise en place avec le soutien d’experts et s’échelonne sur plusieurs années, même après que le transfert a été effectué.
5. Obtenir un accompagnement personnel
Tout comme des spécialistes se consacrent à la valorisation d’entreprises, à la fiscalité, à la création de fiducies et à la planification financière, des ressources existent aussi pour faciliter l’aspect humain de la transition.« Renseignez-vous auprès de votre partenaire financier pour être mis en relation avec les bonnes personnes et profiter de ces services », suggère Pierre Bertrand.
Préparer le tout aujourd’hui pour profiter de demain
Aucun plan n’est définitif; il doit évoluer en fonction des défis et
des occasions qui surgissent.
« Commencez le processus dès que
possible pour conserver la flexibilité d’apporter des ajustements en
cours de route. Les efforts investis porteront leurs fruits et vous
permettront de profiter pleinement des belles années à venir »,
conclut François Archambault.