À quoi sert une fiducie?
Une fiducie sert à confier l’administration de biens (meubles ou immeubles, comme une maison, des actions ou des obligations) à une personne (le ou la fiduciaire). Les biens n’appartiennent donc plus à la personne qui les a transférés.
Il existe plusieurs types de fiducie, dont ces deux grandes catégories (parfois surnommées « fiducies personnelles ») :
- Les fiducies entre vifs (de son vivant), dont la fiducie familiale (dont traite cet article)
- Les fiducies testamentaires (à la suite d’un décès)
En gros, une fiducie est un véhicule qui peut offrir une certaine souplesse en matière de fiscalité et de planification successorale.
Lors de la création d’une fiducie, trois acteurs jouent chacun un rôle clé. Les voici :
Constituant
Le constituant est celui qui crée la fiducie. Dès la mise en place de la fiducie, le constituant n’a plus de rôle actif. Le constituant est généralement une personne qui n'est pas un bénéficiaire (actuel ou éventuel) de la fiducie, sauf dans le cas d’une fiducie en faveur de soi-même.
Au Québec : pour créer une fiducie, le constituant doit d'abord se départir d'un bien qu'il transfère en faveur d'un patrimoine distinct du sien, soit le patrimoine fiduciaire.
Partout ailleurs au Canada : la création d’une fiducie devient officielle au moment où le constituant transfère ses biens au fiduciaire. D’ailleurs, en common law, la fiducie (trust) est considérée comme une relation – et non un patrimoine distinct – par l’obligation qu’a le fiduciaire de détenir un bien au profit des bénéficiaires.
Bon à savoir : suivant sa création, une fiducie familiale pourra continuer à recevoir des biens de toutes personnes. Ces transferts peuvent être faits par donation (acte entre vifs selon lequel une personne transmet gratuitement et définitivement un bien) ou non. Il est cependant important de consulter une ou un expert spécialisé afin de connaître les différentes conséquences fiscales de ces transferts ou dons.
Fiduciaire
La ou les personnes qui administrent les biens confiés. Les fiduciaires gèrent les biens détenus par la fiducie et décident de comment ils seront attribués aux bénéficiaires. Cette gestion se fait selon les paramètres établis par l'acte de fiducie, qui précise les responsabilités des fiduciaires.
Dans tous les cas de figure, le rôle des fiduciaires envers les bénéficiaires implique notamment qu’ils :
- Agissent avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté
- Évitent les situations de conflit d’intérêts
- Rendent des comptes au bénéficiaire
Au Québec : les fiduciaires sont uniquement des administrateurs. Ils ne peuvent prétendre à aucun droit de propriété sur les biens de la fiducie ou le patrimoine fiduciaire. Mais selon le Code civil du Québec, un constituant ou un bénéficiaire peut également être fiduciaire à condition de nommer un second fiduciaire qui lui ne sera ni constituant ni bénéficiaire (cofiduciaire indépendant).
Partout ailleurs au Canada : il est possible que le constituant (settlor) se nomme lui-même fiduciaire (trustee) sans devoir être assisté d’un autre fiduciaire pour administrer le trust. Ce n’est pourtant pas recommandé pour les fiducies familiales en raison de certaines règles fiscales d’attribution.
Bénéficiaire
La ou les personnes qui sont en droit de recevoir les revenus et le capital de la fiducie. L’attribution aux bénéficiaires se fait en fonction de l’entente de fiducie ou de la discrétion accordée aux fiduciaires.
Dans une fiducie familiale, ce sont souvent les membres de la famille qui sont les bénéficiaires. Une société ou une autre fiducie peut également être bénéficiaire.
Les avantages potentiels d’une fiducie familiale
1. Réduire l’impôt à payer
Une fois les biens transférés à la fiducie, ces biens et les revenus qui en découlent ne sont plus dans le patrimoine du constituant et pourront être attribués aux bénéficiaires. Ces derniers devront alors eux-mêmes les ajouter à leur propre déclaration de revenus. Et cela pourrait permettre de réduire la facture totale d’impôts puisque l'imposition est progressive.
Par exemple : deux personnes qui déclarent chacune 50 000 $ de revenus peuvent devoir moins d’impôts au total qu’une seule personne qui déclare 100 000 $.
Cela dit, de nombreuses lois fiscales restreignent la possibilité de fractionner les revenus. Vous devrez donc bien évaluer si la création d’une fiducie familiale dans le seul but de bénéficier d’avantages fiscaux en vaut le coup. Consultez un fiscaliste pour y voir plus clair.
Bon à savoir : dans certains cas, vous pourriez également profiter de la multiplication de la déduction pour gain en capital avec les membres de votre famille grâce à la fiducie familiale. Une déduction permet de réduire les revenus imposables, et donc l’impôt à payer. Notez cependant que de nouvelles règles de divulgation obligatoire aux autorités fiscales pourraient s’appliquer.
Attention : si les revenus ne sont pas attribués aux bénéficiaires, ils seront imposables dans la fiducie au taux marginal le plus élevé. La facture d’impôts pourrait être plus élevée.
2. Réduire l’impôt au décès
La stratégie du gel successoral
Dans le cas d’un entrepreneur détenant une société par actions, la fiducie familiale permet de payer moins d’impôt à son décès. Voici comment ça fonctionne :
- La fiducie devient propriétaire des actions participantes de la société au moment défini par le gel.
- La plus-value (augmentation de valeur) des actions étant donc dans la fiducie, elle n’est pas imposable au décès de l’entrepreneur.
- L’impôt sera payable au jour où les nouvelles actions détenues par la fiducie feront l'objet d'une disposition réelle (comme une vente) ou réputée (vente fictive pour évaluer l’impôt à payer).
Dans le cas d’un gel, la fiducie familiale permet aussi une grande flexibilité pour déterminer qui fera partie de la relève de l’entreprise et sous quelle forme.
L’homologation dans les provinces de Common Law
Dans les provinces de Common Law, il y a des frais d’homologation payables par la succession. C’est une forme d’impôt pour l’administration d’une succession. Lorsqu’un bien a été transféré dans une fiducie familiale (entre vifs), il n’est plus sujet à l’homologation des biens du défunt. Les économies peuvent être substantielles selon la province de résidence du défunt.
3. Planifier le transfert du patrimoine
La fiducie familiale contribue à mieux préparer le transfert du patrimoine au sein de la famille. Elle permet d'indiquer à qui l'argent doit être versé et à quoi il doit servir, que ce soit avant ou après le décès du constituant. Un des avantages d’avoir recours à ce type de véhicule est d’éviter que les enfants dilapident leur héritage. Dans le cas des gens fortunés, par exemple, il est recommandé de préparer le transfert du patrimoine dans le cadre d'une planification successorale, qui peut inclure une fiducie familiale.
4. Protéger vos actifs
La fiducie familiale détient des biens pour le compte de ses bénéficiaires tout en étant protégée des actions en recouvrement que les créanciers pourraient exercer sur eux. Les actifs ne peuvent donc pas être saisis après une poursuite ou une faillite personnelle.
Mais attention : la fiducie doit être créée lorsque tout va bien. S’il y avait déjà des problèmes lors de sa constitution, un juge pourrait autoriser la saisie malgré tout.
5. Protéger un enfant
La fiducie familiale permet de faire un don sans le remettre en mains propres. Par exemple, elle pourrait servir à assurer l’avenir d’un enfant qui vit avec un handicap ou à en faire bénéficier ses petits-enfants. Des règles sont fixées au moment de créer la fiducie. Certaines peuvent préciser la façon dont l’argent sera remis aux enfants.
Les désavantages d’une fiducie familiale
La « règle des 21 ans »
Le principal inconvénient, c’est la règle de disposition présumée au 21e anniversaire de la fiducie familiale. En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, une fiducie est généralement réputée disposer de ses biens 21 ans après sa création. Comme si tout était vendu d’un coup. Tous les gains non réalisés de la fiducie sont alors imposés. Une fiducie peut donc demeurer active pendant une longue période, mais pas pour toujours.
Il revient au constituant de la fiducie de décider du moment où elle devra être liquidée. Toutes les fiducies doivent comprendre une clause de distribution ultime établissant quand et comment les actifs doivent être distribués.
Une gestion administrative importante
Le taux d’imposition sur les revenus de la fiducie familiale correspond au taux marginal le plus élevé. La fiducie est donc imposée sur les revenus qu’elle génère et doit produire une déclaration T3 (lien vers site externe) chaque année et émettre des feuillets fiscaux.
Par ailleurs, de nouvelles règles exigent que la plupart des fiducies produisent une déclaration T3, même s’il n’y a pas d’impôt à payer ni de revenu à déclarer.
Tenue de registres
La loi n’a pas prévu d’exigences particulières quant aux registres que la fiducie doit tenir. Mais les fiduciaires doivent documenter leur travail pour pouvoir rendre compte de leur administration et des tâches accomplies. La documentation en question peut varier selon la nature et la valeur des biens dont ils sont responsables.
Les fiduciaires doivent aussi rédiger des procès-verbaux lorsqu’ils prennent des décisions, en plus de produire des états financiers.
Comment créer une fiducie familiale?
Vous envisagez la création d’une fiducie familiale? Commencez par vous poser les questions suivantes :
- Quels sont les objectifs à atteindre par la création d’une fiducie familiale?
- Qui seront le constituant, les fiduciaires et les bénéficiaires?
- Quels biens transférer à la fiducie?
- Quel expert de confiance pourrait nous épauler dans ce processus?
Ensuite, suivez ces principales étapes clés de la création d’une fiducie :
1. Rédaction de l’acte de fiducie
L'acte de fiducie (ou contrat de fiducie) permet de nommer la fiducie et de déterminer l’intention ou l’objectif de celle-ci. Il sert aussi à désigner les fiduciaires et bénéficiaires, puis à inclure différentes clauses. Cette étape est idéalement prise en charge par un notaire ou un avocat fiscaliste.
2. Donation initiale
Pour créer la fiducie, le constituant doit normalement faire une donation irrévocable. Afin d’éviter les règles d’attribution lors de la création d’une fiducie familiale, le bien initial transféré au fiduciaire peut être une pièce en argent pur ou un lingot d’argent.
3. Ouverture de comptes au nom de la fiducie familiale
Vous pourriez avoir à ouvrir un ou des comptes bancaires pour votre fiducie. Pour cette étape, demandez l’aide d’un spécialiste en planification financière à votre institution.
4. Financement de la fiducie
Votre fiscaliste pourra vous fournir une liste d’étapes pour transférer des actifs dans la fiducie.
Ces actifs peuvent notamment inclure :
- Biens immobiliers
- Véhicules
- Œuvres d'art
- Objets de collection et héritages
- Comptes bancaires
- Actions de société et autres investissements
5. Enregistrement de la fiducie
Dans certains cas, la fiducie doit être enregistrée dans les registres de votre province. Un notaire, avocat ou fiscaliste pourra confirmer la nécessité ou non de cette étape.
Les différentes étapes de la création d’une fiducie familiale entraînent des frais, la facture totale peut être très variable. En prévoyant les honoraires des divers professionnels qui vous épauleront, vous éviterez les surprises.
Envie d'en discuter avec nous? Contactez votre conseillère ou
conseiller Banque Nationale ou en gestion de patrimoine Financière Banque
Nationale. Vous n’avez pas de spécialiste responsable de votre
dossier?