Une folle envie d’apprendre
Déanne Gagnon, 31 ans, a opté sur le tard pour des études de médecine. Ancienne pierceuse aux cheveux colorés et multiples tatouages, elle fait figure de marginale parmi ses camarades de classe qui entrent seulement dans la vingtaine. Issue d’une famille modeste, décrocheuse à 16 ans, elle qui n’a pu compter que sur sa ténacité réalisera dans quelques mois le rêve qui lui trotte dans la tête depuis qu’elle a 9 ans: « soigner les gens ». Une consécration après ces 5 années d’études acharnées où, elle en rit désormais, il lui est arrivé plusieurs fois de lancer ses livres par la fenêtre!
« J’avais l’impression que les petits jobs que j’accumulais ne me permettraient jamais de m’épanouir ni de me sentir utile, explique de son côté Rachel Parent, 29 ans, inscrite depuis cette année au baccalauréat en géographie environnementale à la Faculté d’éducation permanente (FEP) de l’Université de Montréal. » Cette adolescente découragée par l’école et pressée de gagner sa vie a travaillé pendant presque 10 ans en tant que femme de chambre avant d’entreprendre son retour aux études qu’elle conjugue aujourd’hui avec un emploi de chargée d’inventaires à temps plein. « Des jours de congé? Ce sera pour dans quelques années! » plaisante-t-elle.
Retourner aux études demande une motivation à toute épreuve
Inspirantes et déterminées, ces étudiantes tardives n’ont pas baissé les bras face aux sacrifices qu’implique le désir de retourner aux études. Et si leurs futurs diplômes leur assureront certainement un salaire plus élevé, l’aspect financier est loin d’être leur principale source de motivation. « L’argent, c’est pas ce qui te motive les veilles d’examens, quand il faut étudier toute la nuit! dit Déanne. Retourner aux études, ça prend bien plus que ça! Un rêve gros comme l’univers, qui te donne le courage de persévérer malgré les difficultés et d’encaisser parfois l’échec. »
En effet, si la motivation est la clé nécessaire à la réussite d’un retour aux études, elle est aussi rudement mise à l’épreuve tout au long d’une formation. Le financement et la conciliation des études avec les responsabilités de l’âge adulte font partie des principaux obstacles rapportés par les étudiants.
Pour rester positive dans les périodes éprouvantes, Rachel qui jongle entre son emploi la journée et ses cours le soir songe au chemin qu’elle a déjà parcouru. « Il me reste encore 4 années d’études, c’est un gros défi, concède-t-elle. Mais quand je vois d’où je suis partie, je me dis que je ne peux pas lâcher ! ».
Plus matures, plus aptes à relativiser, les étudiants adultes peuvent s’appuyer sur leur plus grande expérience de la vie pour affronter les coups durs. « Une fois sur le terrain, face aux patients, le vécu n’a pas de prix, confie Déanne. Je me suis souvent sentie plus forte que mes jeunes camarades pour comprendre leur peine et leur douleur. » La future médecin n’a pourtant pas toujours été consciente de ces atouts, longtemps embarrassée par un sentiment d’imposture.
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Toute une organisation !
« Les adultes qui reviennent aux études ont tendance à sous-évaluer l’investissement dans lequel ils s’embarquent, explique Andrée Plaisance, directrice adjointe de l’Université Laval à Québec. Il faut s’attendre à investir au moins autant d’heures dans le travail personnel à la maison que d’heures de cours. »
Selon ses observations, une formation intensive où l’étudiant va en classe à temps plein a toujours plus de chances de réussir qu’une formation plus longue d’un ou deux cours par session accomplis en parallèle d’un emploi. « Mais cela dépend des possibilités de chacun, conclue-t-elle. Tout le monde ne peut pas se permettre d’arrêter de travailler ! »
Chaque projet est donc unique et doit être préparé avec précision. Combien de temps durera la formation ? Quels seront les horaires des cours ? Quelles sont les dates d’inscription ? La validation de tests ou de cours compensateurs est-elle nécessaire au préalable ? Combien cela va-t-il coûter ?
Des dépenses à planifier
« Retourner aux études se planifie idéalement 3 à 5 ans à l’avance, dit François Morency, planificateur financier. Seul ou en couple, avec ou sans enfants, il faut tenir compte de tous les éléments de sa situation pour le réaliser sans le faire subir aux autres. » Car passer d’un budget de travailleur à celui d’un étudiant implique des sacrifices et une redéfinition complète de ses priorités de dépenses. Certains choisissent de limiter les sorties et loisirs onéreux, d’autres vendent leur voiture ou déménagent dans un appartement plus petit. Quels budgets êtes-vous prêt à restreindre ?
Ces résolutions économiques vont de pair avec plusieurs options de financement, à envisager selon votre situation et l’envergure de votre projet:
- Emprunter sur votre REER grâce au Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REÉP). Sur le même principe que le Régime d’accès à la propriété, le REÉP permet d’emprunter jusqu’à 20 000 $ sur 4 ans, avec un maximum de 10 000 $ par an. La somme retirée peut être remboursée sur 10 ans. (en savoir plus) * Vérifier si vous êtes admissible à l’Aide financière aux études du gouvernement provincial , qui propose des prêts, bourses et allocations spéciales aux étudiants adultes.
- Consultez les programmes financiers pour étudiants incluant prêts et marges de crédit offerts auprès de votre institution financière.
- Voir si vous pouvez bénéficier du Régime de prestations aux employés, en entreprise privée, ou un Congé sabbatique à traitement différé (CSTD), dans les institutions du gouvernement et de l’éducation. Sous certaines conditions, ces programmes permettent de différer une partie de son salaire pour le percevoir pendant une période de congés ou de travail à temps partiel.
- Proposer à votre employeur de participer à votre formation, s’il s’agit d’une remise à niveau qui pourrait s’avérer profitable à votre travail par la suite.
- Consulter les prêts et bourses accordés par l’établissement scolaire ou l’université que vous souhaitez intégrer.
- « En étant créatif, on trouve toujours des alternatives pour financer son retour aux études, conclut François Morency. Le plus important est de ne pas se contenter d’une seule solution de financement, mais d’en combiner un maximum. » Pour s’assurer de n’omettre aucune option et d’optimiser son budget, l’aide d’un professionnel est à considérer. Dès demain ou dans 5 ans, envisager un retour aux études sur le tard n’a rien d’impossible. Avec beaucoup de volonté et une bonne organisation, Rachel, Déanne et tant d’autres le prouvent : il n’y a pas d’âge pour apprendre, encore moins pour réaliser ses rêves.