Qu’est-ce que l’écart de financement? Et pourquoi est-ce un enjeu important?
L’écart de financement désigne la disparité entre le financement accordé aux femmes entrepreneures et à leurs homologues masculins. Cette inégalité a des répercussions sur les entreprises en démarrage à toutes les étapes, ce qui limite les femmes dans leur capacité d’innover, de partager leurs talents et leurs points de vue précieux et, en définitive, de contribuer à la croissance économique. Selon le gouvernement du Canada, l’avancement de l’égalité des genres et du rôle de la femme dans l’économie pourrait ajouter jusqu’à 150 milliards de dollars au PIB.
Une lente progression
Il existe des raisons d’espérer un avenir plus juste en matière de financement. Des gens font entendre leur voix pour sensibiliser le public aux inégalités. Le nombre de fondatrices d’entreprise est en hausse, 50 % des entreprises en ligne lancées entre 2016 et 2018 appartenaient à des femmes et 38 % de toutes les personnes entrepreneures au Canada sont maintenant des femmes.
À mesure que le public prend collectivement conscience de la valeur des entreprises dirigées par des femmes, la nécessité de financer leurs initiatives devient une évidence. De nouveaux fonds pour les femmes en entrepreneuriat voient le jour. C’est le cas d’Accelia Capital, qui vise diversité, rendement et impact en propulsant les entreprises innovantes et en accélérant le leadership féminin en technologie.
De plus, une pression croissante est exercée sur les grands fonds pour qu’ils constituent des portefeuilles plus diversifiés, comportant un pourcentage plus élevé d’entreprises dirigées par des femmes. Entre 2014 et 2019, 90 % des placements de capital de risque au Canada ont été faits par des sociétés fondées exclusivement par des hommes (lien en anglais seulement). Ces données sont incompatibles avec les engagements et les valeurs ESG de la plupart de ces entreprises et devraient donc donner lieu à un changement de garde.
Signe que nous sommes sur la bonne voie, nous commençons à voir plus de femmes occuper des postes décisionnels. Le rapport Osler de 2021 a révélé que 72 % des sociétés S&P/TSX 60 avaient adopté des cibles pour les femmes au poste de direction, même si seulement 32 % des sociétés cotées à la TSX l’avaient fait. De même, le rapport Diversio de la CVCA de 2021 (lien en anglais seulement) fait état de progrès importants dans la représentation des femmes à la haute direction des partenaires en capital de risque, qui aurait augmenté de 4,2 % à 8,4 % entre 2019 et 2021, tout dépendant de l’ensemble de données considérées. C’est un autre pas dans la bonne direction.
Chaque voix compte
Au Canada, les fonds consacrés au soutien des femmes entrepreneures ont une incidence énorme sur les entreprises qu’elles dirigent. Mais cette aide s’avère insuffisante pour contrebalancer le poids des fonds de capital de risque bien établis. Par conséquent, ce n’est pas seulement aux femmes de se battre pour l’équité en entrepreneuriat. Pour qu’un véritable changement ait lieu, l’ensemble de l’écosystème commercial doit s’investir et travailler à équilibrer la donne. Il ne s’agit pas seulement de femmes qui se lèvent pour aider d’autres femmes. Il s’agit d’investir dans les femmes et d’accroître leur leadership.
Comblons l’écart ensemble
La route vers le financement équitable des femmes entrepreneures peut être semée d’embûches. Plus nous en parlerons, plus tout le monde se rendra compte que des changements s’imposent, d’autant plus que certains de ces obstacles sont culturels et complexes. En changeant les mentalités et en prônant la diversité en affaires, nous pouvons tous contribuer à un réel changement à long terme. Par où commencer?
Faire du progrès une priorité
La plupart des gens s’entendent sur la nécessité d’une représentation équitable et diversifiée. Les entreprises de tous les secteurs devraient participer et prendre position en faveur de l’équité en matière de financement.
InBC Investment Corp, une nouvelle société d’État de la Colombie-Britannique, est un bon exemple de mise en pratique de cette mentalité gagnante. Chargée d’un fonds d’investissement de 500 millions de dollars et d’un triple objectif, InBC cherchera à générer des rendements financiers de même que des retombées sociales et environnementales dans toutes ses décisions d’exploitation et d’investissement. Ce n’est pas anodin. Cela démontre un réel engagement pour intégrer la diversité, l’équité et l’inclusion dans l’ensemble des processus décisionnels.
Déconditionner les préjugés inconscients
Real Ventures connaît également les mérites de la diversité pour saisir les occasions d’affaires et cette vision se reflète dans son équipe et ses processus (lien en anglais seulement).
En jouant un rôle de premier plan dans la communauté des entreprises en démarrage, notamment dans les événements centrés sur les femmes, et en présentant dans son portefeuille des projets dirigés par des femmes, Real Ventures envoie un message clair : elle accueille favorablement les fondatrices d’entreprise et leurs idées.
Real Ventures a également mis sur pied une équipe vouée à la diversité. Un système interne a été créé pour veiller à ce que tous les points soient entendus de façon égale et que tout le monde comprenne la richesse que différentes expériences et perspectives apportent à la discussion. Pour ce faire, on a notamment mis en place en processus décisionnel en matière d’investissement limitant au minimum les préjugés inconscients en veillant à ce que toutes les entreprises soient évaluées selon les mêmes critères et que tous les spécialistes en placement puissent partager leurs points de vue de façon ouverte et équitable.
Mettre la réussite des femmes sous les projecteurs
En tant que société, il nous faut changer notre définition de « personne entrepreneure qui a réussi ». Nous devrions partager et promouvoir d’autres modèles de fondateurs d’entreprise visionnaires et audacieux. Par exemple, nous pouvons commencer à éliminer les stéréotypes sexuels en partageant le succès des femmes entrepreneures et en faisant d’elles des modèles et des mentors dans tous les secteurs.
Cette conception nouvelle et plus réaliste des gens d’affaires devrait occuper une place centrale de manière généralisée. Elle devrait être promue par les banques, les sociétés d’investissement et les médias, de même que dans la publicité et dans le monde artistique, grâce à une meilleure représentation dans les films, les émissions de télévision et les documentaires.
Tout cela contribuera à ce que d’autres femmes croient en elles-mêmes et à leurs rêves et lancent leurs propres entreprises. Des entrepreneures déjà établies pourront y trouver l’inspiration de faire croître leur entreprise et d’explorer de nouvelles possibilités. Enfin, cet effort collectif peut aussi encourager les décideurs financiers à investir davantage dans les femmes en entrepreneuriat.
Plus ce sera la norme de voir des femmes entrepreneures prospères, plus nous verrons de femmes en affaires. Et la roue continuera de tourner à mesure que ces entreprises investiront de l’argent dans d’autres entreprises, créant ainsi un bassin d’investisseurs plus diversifié.
Des principes à la pratique
Aujourd’hui, pour qu’un fonds se démarque – pour ajouter de la valeur, pour bâtir une solide réputation et pour attirer et retenir les talents – il ne suffit pas de dire que le fonds est en faveur l’équité. Il faut le prouver. Les décisionnaires doivent joindre l’acte à la parole en mettant en œuvre des processus transparents pour assurer la diversité, l’équité et l’inclusion. Lorsque les entreprises montrent qu’elles sont en faveur de l’égalité de financement, elles envoient un message fort et donnent un exemple puissant, contribuant à l’effet d’entraînement qui mènera à un véritable changement.
Les sociétés en commandite ont aussi un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de décider où va leur argent. Si elles décident que l’équité est importante et réalisent à quel point elle est rentable, ces sociétés choisiront d’investir dans des fonds qui investissent dans les femmes.
En conclusion, l’écart de financement est plus qu’une simple obligation morale ou sociale. C’est une occasion inexploitée pour les investisseurs, pour l’économie et pour la société dans son ensemble. En tant que personnes, collectivités et entreprises, nous devons nous unir pour sensibiliser la population, promouvoir la réussite des femmes et montrer la voie vers un financement plus équitable.
Autrices
Janet Bannister
Associée de la société de capital de risque Real Ventures, Janet est extrêmement active dans l’écosystème technologique canadien en tant que coprésidente de C100 et membre de plusieurs conseils d’administration. En 2004, elle a lancé kijiji.ca et en a fait l’un des sites web les plus visités au Canada.
Jill Earthy
Jill est une cheffe d’entreprise avant-gardiste qui a la volonté de créer un écosystème d’innovation inclusif. Actuellement cheffe de la direction d’InBC, elle a occupé plusieurs postes de direction, dont ceux de cheffe de la direction de WeBC, de cheffe des Female Funders et de cheffe de la croissance de FrontFundr.
Tuyen Vo
Cadre chevronnée dans le domaine des services bancaires commerciaux et du financement des sociétés technologiques, Tuyen dirige le Groupe Technologie et Innovation de la Banque Nationale et travaille avec des entrepreneurs prospères depuis près de 20 ans. Elle siège au Conseil Inclusion et Diversité de la Banque en tant Lead du segment Femmes, ainsi qu’au comité consultatif d’Accelia Capital.